Édito du mois de Mai – Mgr Benoît Bertrand
Il est des rencontres qui vous marquent et vous édifient. Le Jeudi Saint, je suis allé, accompagné de l’animatrice, rendre visite à Augustine. Elle venait de fêter ses cent ans à l’hôpital de Saint Chély d’Apcher, une vie toute simple marquée par sa foi chrétienne, une foi incarnée et profonde. Pour son anniversaire, elle a fait savoir à ses proches qu’elle désirait qu’une messe soit célébrée dans sa chambre mais aussi, plus étonnamment, elle souhaitait aussi « toucher la main de l’évêque » ! J’ai perçu en cette demande non pas un geste de candeur ou de superstition mais bien un acte de foi, une foi concrète manifestée par un geste des plus simples…
« Toucha la mo » ! Les anciens en Lozère savent bien, par expérience, ce que ces mots signifient. Toucher la main d’un malade ou d’un mourant, toucher la main de voisins endeuillés à l’issue de la célébration des obsèques, toucher la main, la serrer pour manifester proximité, compassion, amitié. Nous pourrions, ici, nous interroger : pourquoi le toucher a-t-il une telle place dans l’amour ? Parce que le toucher est toujours réciproque. Quand on touche quelqu’un qu’on aime, il vous touche aussi. On peut voir ou entendre sans être vu ou entendu, mais on ne peut toucher sans être touché.
Jésus, lui-même, touchait respectueusement les gens qu’il rencontrait. Il touchait les corps malades ou marqués par le handicap. Il touchait les lépreux et même les morts, ce qui le rendait rituellement impur. Touché et être touché ne lui posait pas problème. A nous d’être le visage, les oreilles, la bouche et les mains du Seigneur. Sainte Thérèse d’Avila aimait à dire : « Le Christ n’a pas d’autre corps sur terre que le vôtre, ni d’autres mains que les vôtres, ni d’autres pieds que les vôtres. C’est par vos yeux que s’exprime la compassion du Christ pour le monde ; par vos pieds qu’il s’en va faire le bien ; par vos mains qu’il va bénir aujourd’hui l’humanité».
Merci Augustine pour cette rencontre sans parole mais avec votre beau regard et vos yeux bleus, votre sourire esquissé et vos mains fragiles. Un chapelet du pape François est venu les rejoindre pour la prière maintenant et à l’heure de la mort. Dans la paix, vous avez rejoint la Maison du Père le lundi de Pâques. Quelle grâce d’avoir touché votre main !