Mgr Benoît Bertrand adresse une lettre ouverte aux prêtres et aux diacres
pour un temps de crise
Chers amis,
De retour de Gueberschwihr en Alsace pour la prédication d’une retraite aux prêtres du diocèse de Saint-Dié et sans plus attendre, je me permets de venir vers vous afin de vous partager quelques réflexions en ce jour béni de la Toussaint 2020. Les temps sont durs ! Nous entrons dans un nouveau confinement. Il le fallait au regard des chiffres préoccupants qui attestent de la dégradation de la situation sanitaire de notre pays mais également de notre Lozère jusqu’à présent épargnée. Nous sommes aussi frappés par l’horreur de la violence islamiste en la basilique Notre-Dame à Nice. Le glas de nos églises a sonné pour exprimer notre communion avec les victimes, leurs familles, leurs proches. Nous sommes dans l’incompréhension et le deuil.
Cet acte terroriste est inqualifiable. L’instrumentalisation d’une religion à des fins politiques et idéologiques doit être combattue absolument. Elle a touché récemment un enseignant mais aussi des policiers et des militaires, des journalistes, des juifs et aujourd’hui des catholiques en prière dans une église. J’avoue partager l’interrogation de Mgr Dominique Lebrun : « Comment peut-on dire aimer Dieu et tuer ses frères ? ». Nous avons tous, de façons probablement diverses, médité la 7ème béatitude : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu ». Levons les yeux vers Dieu. Implorons-le pour que la paix inspire nos choix, nos paroles, nos écrits, nos silences… J’ai reçu de nombreux messages de soutien venus des autres confessions chrétiennes, des musulmans de Mende et de la société civile. Je les en remercie de grand cœur. Que le Prince de la paix nous donne d’être des hommes de Dieu pacifiés et pacifiants. Refusons la peur et nourrissons la paix. Réagissons au mal par le bien !
Le Président de la République a décrit la situation sanitaire inquiétante en notre pays comme en d’autres pays d’Europe occidentale et du monde. Nous ne devons donc pas minimiser la gravité de cette crise. Je vous invite tous à la vigilance, au port du masque (sur la bouche et sur le nez !), au respect des distances pour vous protéger et protéger les autres, au lavage régulier des mains… A partir du 3 novembre et jusqu’à nouvel ordre, seules les célébrations des obsèques religieuses avec un maximum de 30 personnes et des mariages avec 6 personnes sont autorisées. Vous célébrerez la messe quotidienne dans un cadre privé et sans peuple. Les salles et autres accueils paroissiaux et diocésains seront fermés. Les rencontres de catéchèse et d’aumônerie seront annulées. Ces mesures exigeantes seront assurément bien vécues par certains, mal par d’autres. Demeurons attentifs à la santé physique, mentale et spirituelle des uns et des autres. Les équipes de la pastorale de la santé feront leur possible pour se rendre proches en restant attentives aux dispositions sanitaires en vigueur. Je le sais, vous avez aussi à gérer, dans vos paroisses, des tensions entre personnes ou des demandes de fidèles laïcs qui ne comprennent pas ou demeurent dans le déni. Il nous faut, en lien avec les autorités civiles, écouter et expliquer encore et encore… Tous, nous serons responsables du succès ou de l’échec de ces décisions strictes. Nous avons à coopérer, de façon extrêmement concrète, au bien commun, à la vie de tous.
Durant cette période, nous demeurons prêtres et diacres pour Dieu et pour le monde. Nous avons à exercer notre ministère dans la situation actuelle. Je me permets de souligner alors trois points d’attention pour les semaines à venir.
Ayons, tout d’abord, à cœur de déployer notre ministère d’intercession, en particulier, dans la Liturgie des Heures et la célébration quotidienne de l’Eucharistie vécues avec intensité et ferveur. Les intentions ne manquent pas : prière pour les malades, les mourants et leurs familles ; prière pour les soignants, les chercheurs, les personnels administratifs des hôpitaux ; prière pour nos dirigeants politiques, nos élus, les autorités préfectorales, les forces de l’ordre ; prière pour les enfants, les jeunes et leurs enseignants ; prière pour les personnes en précarité ; prière pour les détenus ; prière pour les isolés, les personnes âgées, les migrants, les familles éprouvées… Cette intercession est au cœur de notre ministère : « J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes » (1 Tm 2,1-4).
En mars, avril et mai derniers, lors du premier confinement, nous avons su déployer une imagination magnifique pour rejoindre, malgré les rencontres impossibles, nos concitoyens et voisins, les membres de nos communautés chrétiennes, les plus fragiles en particulier. Demandons au Seigneur la grâce de la créativité et de l’inventivité pour prier ensemble, écouter et dialoguer, servir, former, nourrir ou apaiser… Les sites du diocèse ou des paroisses, les réseaux sociaux, RCF, KTO seront de bons moyens pour garder les contacts, soigner nos relations. L’équipe diocésaine d’accompagnement des prêtres âgés, sous la houlette du Dr Carbonnel, va poursuivre sa mission de proximité et d’attention. Le Secours Catholique, la Société Saint Vincent de Paul, les services de solidarité paroissiaux seront mis à contribution d’autant que nous entrerons dans une période plus hivernale. Il ne s’agit pas de « grésiller » mais d’être vigilants. Les diacres nous y aident. Peut-être connaissez-vous ces paroles de Sainte Thérèse d’Avila : « Le Christ n’a pas d’autre corps sur terre que le vôtre, ni d’autres mains que les vôtres, ni d’autres pieds que les vôtres. C’est par vos yeux que s’exprime la compassion du Christ pour le monde ; par vos pieds qu’il s’en va faire le bien ; par vos mains qu’il va bénir aujourd’hui l’humanité ». Parfois, nous ne mesurons pas le bien infini que peut représenter pour une personne non reconnue, invisible ou ignorée, un coup de téléphone ou une simple marque d’attention. N’hésitons pas à faire appel ou à signaler quelqu’un en difficulté. Vous savez que vous ne manquerez pas de recevoir des marques de délicatesse de la part de fidèles laïcs. Je les en remercie.
Enfin, nous allons avoir un peu plus de temps pour lire, méditer, étudier l’Écriture Sainte. Quelle grâce ! Je vous invite donc, chaque jour, à la lecture croyante de la Bible. Vous allez recevoir de Dieu ce qu’il va bien vouloir vous donner par sa Parole. Nous demanderons cette attitude hospitalière et cordiale : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute ». Durant ces semaines, laissez sa Parole être semée en vous, sans vouloir qu’elle porte immédiatement du fruit. L’essentiel pour vous, pour moi, pour nous tous, c’est de méditer la Parole de Dieu dans une attitude d’adhésion vivante au Seigneur. En la priant, demandons la paix ! Nous en avons tant besoin.
Au terme de cette lettre, je souhaite, une nouvelle fois, rendre grâce à Dieu pour votre foi, votre courage, votre zèle diaconal et pastoral. Depuis la fin des vacances d’été, vous n’avez pas baissé les bras. Vous avez donné le meilleur de vous-mêmes dans un contexte incertain, avec des assemblées dominicales modestes et pour des personnes souvent anxieuses, inquiètes ou -parfois même- désagréables ! La reprise des activités paroissiales fut intense : célébrations des baptêmes, des confirmations de jeunes ou d’adultes, des mariages, catéchèses, récollections, rencontres avec les Équipes locales d’animation, rencontre du conseil presbytéral, échanges autour de la Lettre pastorale, accompagnement des malades et des familles en deuil… J’ai souvent été marqué par le lien fort, dans les Lettres de l’apôtre Paul, entre le don et la joie. L’attitude qui rend tout plus facile, c’est la joie ! Lorsque Paul évoque la fameuse collecte pour la communauté de Jérusalem en difficulté, il précise : « Dieu aime celui qui donne joyeusement » (2 Co 9,7). Rappelons-nous aussi le texte magnifique, à relire pour un temps de confinement, du Saint pape Paul VI, Gaudete in Domino, Réjouissez-vous dans le Seigneur (1975). Il affirmait : « En Dieu, tout est joie parce que tout est don ».
Vous l’avez appris, l’Assemblée plénière des évêques se tiendra aux dates prévues mais en visio-conférence et sous divers modes. Elle commencera dès lundi 2 novembre à 15h30, par le chapelet puis un échange sur la situation de notre pays. L’Assemblée plénière sera rythmée par le chapelet retransmis depuis la grotte de Lourdes chaque jour à 15h30 (KTO, RCF, site des sanctuaires…). Des méditations seront proposées par les évêques. Nous pourrons inviter les fidèles laïcs de nos paroisses à se joindre avec nous à la prière des nombreux chrétiens du monde entier, auprès de Notre-Dame de Lourdes. Inutile enfin de préciser que notre rassemblement du 14 novembre pour les 400 ans de la consécration de notre cathédrale et de l’envoi en mission des jeunes est reporté à des jours meilleurs, probablement dans un an ! La paroisse Saint-Privat de Mende nous fera une proposition heureuse : la rédaction de 400 messages de vie et d’espérance pour fêter les 400 ans !
Dans les mains de Celui qui nous tient dans l’existence et nous appelle à la sainteté, je vous redis, chers amis, ma profonde communion.
Fratelli tutti !
Mende, Toussaint 2020
+ Benoît BERTRAND
Évêque de Mende